Côté judo

L’école du tatami

Sophie Vonpierre
48 ans, 4e dan, professeur des écoles à Strasbourg (67)

Le judo m’a aidée à ne jamais lâcher le morceau, et à demeurer exigeante jusqu’à la satisfaction

Et dire que tout est parti d’une timidité exacerbée, poussant un père à franchir comme tant d’autres la porte du dojo du coin pour espérer que sa petite fille de six ans puisse définitivement prendre son envol.

Coupée dans son élan de médaillé interrégionale juniors par deux ruptures des ligaments croisés du genou alors qu’elle débarque en seniors, c’est une autre blessure, de celles qui ne se pansent jamais véritablement, qui allait à jamais lier cette férue de seoi et de ne-waza au judo.

« Quand mon professeur, Charly Dusch, avec qui j’avais noué une complicité très forte, est décédé en 1990, son épouse Éliane est venue nous demander, à mon mari de l’époque rencontré sur les tapis du Strasbourg Université Club et à moi, de reprendre le flambeau, se souvient Sophie Vonpierre. J’avais alors vingt ans, mais je n’ai pas hésité un instant. C’était comme si tout avait été écrit d’avance, nous qui aidions déjà Charly après avoir passé nos diplômes. »

Un goût de l’enseignement et de la transmission déjà nourri au quotidien dans la classe de primaire où elle étrenne son professorat des écoles, et auquel s’est vite associée une pugnacité de tous les instants.

« Le judo m’a aidée à ne jamais lâcher le morceau, et à demeurer exigeante jusqu’à la satisfaction, ce moment où l’on sait que l’on a porté au maximum les jeunes pour qu’ils aillent au bout de leurs projets. »

Valable pour ses baby-judokas qui entrent dans la pratique par l’imaginaire, ses adolescents en quête de ceinture noire ou ses collègues qu’elle initie aux sports d’opposition, chacun trouvant place dans « un tissu relationnel intense » où elle assure toujours rester la même, sans avoir à jongler entre les casquettes.

« Pour moi, l’évaluation n’est jamais synonyme de sanction, mais bien de récompense, expose cette jurée katas et brevets d’État, passée par le pôle formation de la ligue d’Alsace et actuelle tutrice d’un apprenti BPJEPS. Il suffit d’avoir la flamme pour pouvoir la transmettre, et c’est par exemple le nombre de ceintures noires formées au club qui va quantifier ma réussite d’éducatrice. Mon autre petite fierté a été d’avoir su, il y a quelques années, composer avec un groupe féminin très hétérogène en termes de personnalités, d’âges et d’objectifs, pour l’amener sur le podium régional. Et aujourd’hui, on sait qu’il y a toujours quelque chose d’intact entre nous toutes. » Itou avec la marraine de sa ceinture marron de fille, dont les routes se sont croisées et jointes au détour de stages du côté de Marseille, sous la houlette du médaillé olympique de Munich 1972 Jean-Paul Coche, exhausteur de passion pour Sophie à l’instar de Charly Dusch et Jean-Jacques Flerchinger.

« Ma vie a toujours été guidée par le judo et le club, qui constitue presque un deuxième métier au vu du temps, des passions et des investissements que je lui consacre, sans jamais me lasser grâce aux enfants. Un jour, il faudra penser autrement. Mais pas tout de suite encore… » Une aubaine pour encore quelques générations de judokas strasbourgeois.

Rédaction par la revue L’Esprit du Judo

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