Côté judo

Hors du temps

Odile Canezin
43 ans, à trente points de la ceinture noire, Pyrénées-Atlantiques

Mes filles m’ont vu échouer, persévérer, insister… j’espère qu’elles retiendront ces leçons pour leur propre parcours.

A l’âge où elles sont légion à remiser leur judogi au placard pour s’occuper de leur progéniture, Odile Canezin a décidé, il y a quatre ans, de reprendre du service. Le nouveau chapitre d’une histoire écrite jusque-là en pointillés, mais toujours avec la même appétence.

« À six ans, un peu garçon manqué, j’ai vite tranché entre la danse et le judo, les deux choix qui s’offraient à moi dans mon village. Je suis allée jusqu’à la ceinture orange avant de bifurquer sur le tennis, se remémore cette directrice de services publics. En arrivant sur Toulouse pour mes études, je m’y suis remise quelques temps à la fac, de même que lorsque j’ai débuté un nouveau travail du côté de Pau, où je suis devenue ceinture bleue. À chaque fois, j’ai pu apprécier l’intemporalité de la pratique : un univers discipliné, hiérarchisé, avec un état d’esprit collectif fort, des techniques aux noms qui ne changent pas et une tenue que j’ai toujours trouvé esthétique. Ce n’est pas pour autant que le judo n’évolue pas mais, dans l’essence, tout se perpétue. »

Pour faciliter un énième retour aux sources au Dojo Biarrot, que fréquentaient déjà Caroline et Mathilde, ses filles de cinq et neuf ans à l’époque, entrepris d’abord dans une démarche « très loisir ». C’était sans compter sur l’obtention de sa ceinture marron, ouvrant subitement son champ des possibles… « Ce serait bien que tu passes la noire, entendais-je dire de ci de là, se souvient encore très clairement Odile. Pour moi, c’était réservé aux sportifs, aux plus forts, et donc pas pour moi. Il y a vingt ans, j’aurais même ri de cette proposition. Mais si cela ressemblait encore à de la folie dans mon esprit, je me suis rendue compte que ce n’était pas si inaccessible que ça, et je me suis lancée avec ma prof Laure Etcheverry et deux parents d’élèves devenus des amis au fil du temps. »

Malgré le vertige, exacerbé en statique –« on sait que la chute arrive »–, les séances entre midi et deux du mardi, du dimanche matin, et tous les créneaux grignotés dans le planning familial lui offrirent le kata du premier coup, mais également une nouvelle compréhension du judo. « Dans un quotidien où tout va trop vite, prendre le temps de décomposer chaque geste, de le refaire et de l’approfondir fut très enrichissant, avec à la clé un accomplissement identique à l’obtention d’un diplôme. Mes filles m’ont vu échouer, persévérer, insister… j’espère qu’elles retiendront ces leçons pour leur propre parcours. » Comme celle à venir tout prochainement quand leur mère finira d’empocher ses cent points en compétition, où chaque hajime l’emmène une fois de plus hors du temps.

Rédaction par la revue L’Esprit du Judo

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